Europe : économie de guerre

L'Europe commençait à peine à voir lalumière au bout du tunnel de la pandémie, lorsque le conflit entre la Russie et l'Ukraine a une nouvelle fois changé les perspectives, remettant en cause la reprise économique. Selon les dernières prévisions publiées par la Banque centrale européenne, l'impact de la guerre sur la croissance dans la zone euro sera presque certainement élevé. Les conséquences de la première semaine de l'invasion auraient déjà réduit la croissance de 0,5 % (de 4,2 % attendus en début d'année à 3,7 % aujourd'hui). De plus, si les affrontements se poursuivent et que les sanctions se durcissent encore, le prix en termes de croissance manquée pourrait être beaucoup plus élevé, entraînant une baisse de la croissance de 1,4 % supplémentaire par rapport aux prévisions les plus « optimistes » à ce jour. Comment la guerre en Ukraine finirait-elle par impacter la croissance de la zone euro ? Il y a tout d'abord le choc d'offre généré sur les marchés de l'énergie et des matières premières (minier et agricole), choc qui entraîne une hausse durable des prix (contribuant ainsi à maintenir l'inflation à des niveaux élevés). De plus, les nouveaux « goulots d'étranglement » qui se sont créés tout au long des chaînes d'approvisionnement posent déjà des problèmes à divers secteurs manufacturiers européens (notamment l'automobile et l'agroalimentaire). Enfin, cette situation - conjuguée à la forte instabilité géopolitique - contribuera à entretenir une forte volatilité sur les marchés financiers, décourageant les décisions d'investissement des entreprises et des fonds. Avec des effets qui se poursuivront très probablement en 2023 également.

Les matières premières sont les plus impactées

La guerre entre la Russie et l'Ukraine s'inscrit dans un contexte déjà difficile pour les matières premières,accélérant une tendance haussière amorcée avec la reprise post-pandémique. Dans le cas du conflit, il s'agit d'un véritable choc du côté de l'offre, alimenté, outre le blocage des exportations, par les risques d'interruption des approvisionnements de divers produits de base. Tout d'abord ceux de l'énergie : les prix spot du gaz néerlandais (Dutch TTF) ont plus que doublé dans les jours qui ont suivi l'invasion russe, atteignant une valeur record de 345 euros par mégawattheure le 8 mars 2022 : dix fois les valeurs de début 2021. Les sanctions contre la Russie ont alors fait se désintéresser le marché du pétrole russe (Oural), faisant grimper les prix du Brent et ramenant même le charbon comme source d'énergie : après l'invasion, son prix a augmenté de plus de 50 %. Pas seulement l'énergie : le prix du nickel, indispensable à la sidérurgie, a lui aussi grimpé en flèche, au point d'être suspendu à deux reprises à la Bourse de Londres en raison d'un excès de hausse. Enfin, les effets de ce choc atteignent également les tables du monde entier : l'importance de l'Ukraine et de la Russie dans la production céréalière mondiale a également fait grimper les prix des céréales de plus de 20 %. Outre la flambée des prix des matières premières, la grande volatilité des indices des matières premières importées de Russie pèse lourdement sur les acteurs économiques, dans une dynamique de grande incertitude qui elle-même représente un coût pour l'ensemble des opérateurs économiques.

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